1. L’utilisation de techniques de surveillance systématiques et généralisées à l’encontre de protestataires et d’organisateurs d’actions de contestation devrait être interdite, que ce soit dans l’espace physique ou dans le contexte des technologies numériques.
2. Les forces de l’ordre ne peuvent soumettre des protestataires individuels et des organisateurs de protestation à une surveillance ciblée que lorsqu’il existe une suspicion raisonnable que ceux-ci participent à, planifient la commission de, ou sont sur le point de commettre des activités criminelles graves.
3. La surveillance devrait respecter les critères du test décrit au Principe 4, et tout recours aux techniques de surveillance doit faire l’objet d’une approbation par un tribunal, être d’une durée limitée, et être mené de manière appropriée pour réaliser le but légitime visé. La nécessité de la surveillance doit faire l’objet d’une réévaluation fréquente, et la surveillance doit prendre fin aussitôt que l’objectif n’en est plus établi. Ceci suppose qu’avant de mettre en œuvre une opération de surveillance, les États devraient, à tout le moins, établir la preuve des éléments suivants devant un tribunal ou un autre organe juridictionnel indépendant de supervision de la surveillance :
a) Il existe un haut degré de probabilité qu’un crime grave ou une menace spécifique au regard d’un but légitime se sont produits ou vont se produire ;
b) Il existe un haut degré de probabilité que des éléments de preuve pertinents relatifs à un crime grave ou une menace spécifique à un but légitime pourraient être obtenus en accédant aux informations confidentielles recherchées par l’opération de surveillance ;
c) D’autres mesures moins intrusives ont été épuisées ou seraient inutiles, ce qui signifie que la technique de surveillance employée constituerait l’option la moins intrusive ;
d) Les informations auxquelles il sera possible d’accéder seront limitées aux éléments pertinents qui concernent le crime grave ou le danger spécifique au regard d’un but légitime ;
e) Toute information supplémentaire collectée ne sera pas conservée, mais rapidement détruite ou restituée ;
f) Seules les autorités compétentes pourront accéder aux informations et elles ne pourront les utiliser qu’aux seules fins et uniquement durant la période prévues dans l’autorisation accordée.
4. Tous les protestataires et organisateurs faisant l’objet d’une surveillance devraient être informés de toute décision autorisant leur surveillance, et ce dans un délai suffisant et de manière suffisamment précise pour leur permettre de contester cette décision ou d’engager d’autres recours pertinents. Ils devraient également avoir accès aux documents qui ont été produits à l’appui de la demande d’autorisation. La notification de l’autorisation de procéder à une opération de surveillance ne pourrait être retardée que dans les conditions suivantes :
a) La notification pourrait sérieusement compromettre le but pour lequel l’opération de surveillance a été autorisée, ou provoquerait un danger imminent pour la vie humaine ;
b) L’autorisation de retarder la notification est accordée par un tribunal, une cour ou tout autre organe judiciaire indépendant et impartial ; et
c) Les individus concernés sont informés aussitôt que le risque est levé, cet élément devant être apprécié par une cour, un tribunal ou tout autre organe juridictionnel indépendant et impartial.
5. L’obligation d’informer les cibles d’une opération de surveillance incombe à l’Etat, mais les fournisseurs de services de communication devraient être libres d’informer des individus de toute surveillance de leurs communications, de façon volontaire ou sur demande.
6. Les données d’identification des protestataires et des organisateurs obtenues lors d’opérations de surveillance ne devraient pas être conservées ou partagées, à moins qu’elles soient essentielles pour une enquête criminelle ou des poursuites en cours.
7. Alors que la police peut légitimement préserver la confidentialité des détails d’enquêtes particulières, les décisions relatives aux politiques générales de surveillance doivent être ouvertement débattues. Les politiques et procédures relatives à l’usage de technologies de surveillance dans les protestations devraient être explicites, écrites et publiées.
8. L’enregistrement vidéo et la collecte d’images dans des zones publiques par les forces de l’ordre, les caméras de vidéosurveillance (CCTV), des drones ou d’autres technologies similaires, constituent des techniques couramment employées pour surveiller une variété d’environnements et d’activités. Dans la mesure où le recours à ces technologies peut constituer une violation du droit de protester, les États devraient garantir que :
a) L’utilisation de ces techniques fait l’objet d’une réglementation stricte ;
b) Les organes qui utilisent ces différentes technologies s’assurent que le public est bien informé du fait qu’il est, ou pourrait être, surveillé ;
c) Les images d’individus identifiables prises au moyen de ces technologies ne devraient pas être conservées ou partagées, à moins qu’il n’existe une suspicion raisonnable qu’elles puissent contenir des preuves d’une activité criminelle ou qu’elles soient pertinentes pour une enquête ou un procès pénal en cours ;
d) Les décisions relatives à la politique et au déploiement et décisions de ces technologies devraient être adoptées démocratiquement sur la base d’informations librement accessibles ;
e) Les investissements dans ces technologies ne devraient être réalisés qu’après un examen précis et systématique des coûts et bénéfices. Si de telles technologies sont déployées, des audits indépendants devraient être réalisés pour en surveiller l’utilisation.